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Jean-François Copé s’oppose à toute idée de référendum sur le nucléaire en France

lundi 21 novembre 2011, par Emmanuel HOURDEQUIN

COPÉ SUR LE NUCLÉAIRE le 18/11/2011 sur France 2.

Jean-François Copé, était l’invité jeudi soir de l’émission "Des Paroles et des actes". Il s’est exprimé sur le nucléaire.

Il s’oppose à toute idée de référendum sur la question et prédit aux Français de voir leur facture augmentée de 40% si on sort du nucléaire. Il prédit également des milliers de chômeurs.

Voir extrait de la vidéo ...

Il a montré la ferme intention de la droite Française de persister dans le tout nucléaire ad vitam aeternam.

Monsieur Copé a présenté l’Allemagne comme un exemple à suivre. Il a curieusement passé sous silence leur sortie du nucléaire. La sortie du nucléaire en Allemagne n’empêche pas l’industrie Allemande d’être florissante.

L’industrie Allemande le sera d’autant plus que cela la conduit à développer rapidement de nouvelles techniques énergétiquement propres (comme les centrales hybrides à éoliennes, biogaz, hydrogène et stockage d’énergie par électrolyse de l’eau : voir article n°26 du site). Cette nécessité d’innovation dans un marché complètement vierge associée au courage de prendre les bonnes décisions, ne pourra que leur faire prendre encore plus d’avance sur nous Français forcés par nos dirigeants politiques à être entravés à nos vieilles technologies polluantes.

Si les Allemands sont capables de relever le défi des énergies propres, pourquoi pas les Français, nos ingénieurs et scientifiques valent bien les leurs.

Les hommes politiques de droite estiment donc qu’il faut conserver le nucléaire parce qu’il coûterait aux Français 40% moins cher que les énergies renouvelables.

Monsieur Copé nous a assuré pendant l’émission qu’il ne faisait pas de langue de bois.

On peut en douter car :

1) soit il ne connaît rien au problème du nucléaire (notre élite politique Française n’a qu’une faible formation scientifique surtout par rapport à Angela Merkel qui est physicienne nucléaire ...) ;

2) soit il prend les gens pour des demeurés ;

3) soit il cherche à favoriser le lobbie nucléaire.

Je pense qu’il s’agit plutôt de la troisième proposition car je respecte Monsieur Copé qui est très habile en communication (même si je pense que des cours de formation à la pensée scientifique basée sur l’analyse rationnelle du réel serait indispensable pour les politiques et sûrement plus honnête que les cours de communication qui servent à endormir, à manipuler et finalement à tromper les gens). J’aimerais démontrer que le propos tenu par Monsieur Copé sur le prix de l’électricité nucléaire payé par les Français est biaisé et trompeur.

Ce prix ne représente pas le prix de l’investissement dans la recherche nucléaire qui est énorme, comparé à l’investissement recherche dans l’énergie renouvelable propre.

Il ne représente pas le prix de gestion des déchets nucléaires pratiquement indestructibles et fabriqués de façon irréversible. Ils présentent un danger pour nos santés et celles des générations futures pour des milliers d’années.

Il ne représente pas le prix du démantèlement du parc de centrales nucléaires vieillissant. Les centrales étant par définition solides (un peu à l’image les bunkers de la guerre 39-45 et de la base sous-marine de Saint-Nazaire) ils sont à moitié indestructibles. D’autant plus que les matériaux proches du coeur sont ultra radioactif et très dangereux pour les opérateurs. Là encore, construire une centrale nucléaire est une décision irréversible et lourde de conséquences.

Il ne représente pas le prix (énorme) du soin des cancers (thyroïde, os, sang, lymphe, généralisés) dus aux matières radioactives qui diffusent dans l’environnement par l’air, l’eau, la chaîne alimentaire, lors des accidents nucléaires qui là encore sont irréversibles sur des milliers d’années. Même si la médecine a fait d’énormes progrès dans le traitement du cancer, les dépistages doivent être précoces pour espérer guérir.

Il ne représente pas le prix des rustines qu’il faudra mettre sur nos vieilles centrales pour en renforcer la sécurité.

Bref, si on paye 1 euro, il en coûte en réalité à l’état, aux générations présentes et futures de l’ordre de 100 euros ou bien plus encore car on ne peut pas le savoir exactement (sans compter le préjudice moral). La logique comptable ne dépasse jamais le très court terme, correspondant à quelques années ou jours de vie d’un être humain, qui n’a rien à voir avec l’échelle de la radioactivité atomique à savoir le ou les millénaires qui viennent.

En France, le parc nucléaire est actuellement composé de 58 réacteurs en fonctionnement (62400 MW), dont 34 réacteurs d’une puissance de 900 MW, 20 réacteurs de 1 300 MW et 4 réacteurs de 1 450 MW. Ces réacteurs sont répartis sur 19 centrales nucléaires en exploitation.

Une centrale nucléaire coûte environ 3 milliards d’euros (sauf l’EPR qui en coûte plutôt 10). Pour les démanteler, on ne sait pas le faire, on pense que ça va coûter (si on y arrive) environ 3 milliards d’euros par réacteur donc 9 milliards d’euros pour une centrale qui en comporte 3. Le prix réel d’une centrale est donc de 3+9=12 milliards d’euros (on peut arrondir à 13 milliards d’euros), ça nous fait donc 20*13 = 260 milliards d’euros. L’EDF paye la centrale mais on ne sait pas qui va payer son démantèlement (peut être un fonds européen).

Cela fait donc 60 milliards pour l’achat des centrales par l’EDF et 200 milliards payés par le fonds européen (et le contribuable Français) pour le démantèlement.

Le prix de gros du mégawattheure (MWh) nucléaire est de 43 euros. Les centrales rapportent 62400*24*365*42 = 22,9 soit environ 20 milliards d’euros par an d’énergie électrique vendue aux clients, mais il faut payer les centrales, les réparations, l’entretien du réseau, les employés, les patrons, l’uranium, le retraitement ... Le bénéfice net du groupe EDF s’élève à 1 milliard d’euros en 2010, contre 4 milliards l’année précédente. Si une centrale dure 40 ans, le bénéfice qu’EDF (aux alentours de 2 milliards d’euros par an) aura pu engranger est au plus de 80 milliards en 40 ans. EDF ne pourra donc pas payer les 200 milliards de démantèlement.

On ne demande jamais l’avis du peuple, mais c’est finalement lui qui doit subir les conséquences.

Je pense aux habitants de Fukushima ou de Tchernobyl qui ont dû fuir leur région et qui ont reçu les radiations, respiré l’air, mangé les légumes et poissons contaminés.

Je pense aux générations futures qui devront financer de génération en génération la surveillance des déchets indestructibles fabriqués par une ou deux générations de lointains parents.

Je pense aux malades du cancer qui devront assumer leur maladie.

Je pense aussi à la solidarité de tous donc à la sécurité sociale qui devra financer l’épidémie galopante des cancers.

Ne vaut-il pas mieux payer maintenant 40% de plus (c’est moins que 100 euros pour 1 euro) pour utiliser des systèmes propres et réversibles, sans impact carbone, sans conséquence fâcheuse (financière, environnementale, santé publique) pour nos enfants ? Et même, ne pourrait-t-on pas faire supporter ces 40% supplémentaires aux pollueurs afin de favoriser une croissance économique vertueuse et non vicieuse (car autodestructrice de notre espèce) ?

Je rappelle de plus (voir mon cours sur l’énergétique) que les centrales nucléaires sont des machines thermiques qui gaspillent plus des deux tiers de l’énergie nucléaire sous forme de chaleur pour rien. Et nous n’avons pas d’uranium en France, pas plus que de pétrole ou de gaz, donc qu’en est-il vraiment de l’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire ?

N’y a-t-il pas un devoir moral à sortir du nucléaire dignement ? Si on ne le fait pas, les générations futures ne vont-elles pas nous le reprocher, à juste titre ?

Faut-il attendre une troisième catastrophe nucléaire après Tchernobyl et Fukushima pour réagir ?

A vous la parole maintenant ...

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