Le réseau aurait détourné 51 millions d’euros sur le marché des quotas de dioxyde de carbone au premier semestre 2009.
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Pour la première fois en France, le tribunal correctionnel de Paris juge à partir de ce lundi une affaire de fraude à la taxe carbone. Jusqu’au 12 octobre, dix-sept prévenus comparaissent devant la 11e chambre dans le cadre d’une vaste escroquerie en bande organisée sur le marché du CO2. Parmi eux, des petits entrepreneurs, dont un grossiste en textile, qui est le principal prévenu.
Les dix-sept prévenus auraient ainsi détourné près de 51 millions d’euros au premier semestre 2009 à travers un mécanisme de fraude à la TVA. Après avoir acheté des quotas de dioxyde de carbone (CO2) hors taxe via des sociétés basées à l’étranger, ils les auraient revendus en France à un prix incluant la TVA qu’ils n’auraient jamais reversée à l’Etat français. Selon un connaisseur de ce type de dossiers, les transactions frauduleuses sur les droits d’émissions de CO2 dans l’Union européenne auraient fait perdre au trésor public français environ 1,5 milliard d’euros.
UN NOUVEAU MARCHÉ PEU RÉGULÉ
Le marché des échanges de quotas du CO2 dans l’industrie est l’un des outils mis en place dans le cadre du protocole de Kyoto entré en vigueur en 2005. L’objectif de ce marché est d’inciter les industriels à investir dans des technologies moins polluantes en CO2 et de limiter les émissions de dioxyde de carbone, l’un des principaux gaz à effet de serre. Les entreprises reçoivent gratuitement des permis à émettre du CO2. Mais celles qui dépassent leurs quotas peuvent ensuite acheter des droits d’émission à celles, moins polluantes, qui leur revendent leurs tonnes de CO2 excédentaires sur le marché. Ce nouveau marché, peu régulé à l’époque des faits, était alors un véritable business où le CO2 est devenu un "pétrole vert" qui attire des fraudeurs en tout genre, pas forcément coutumiers de la finance.
En janvier dernier, ce sont ainsi des pirates informatiques qui ont lancé un cyber-attaque contre la bourse européenne du carbone. Ils ont dérobé deux millions de tonnes de quotas de CO2, pour les revendre à des industries demandeuses. Montant estimé de l’escroquerie : 28 millions d’euros.
Dans l’affaire qui s’ouvre aujourd’hui au tribunal correctionnel de Paris, le principal prévenu a pu mener grand train grâce à cette arnaque : l’homme roulait en Aston Martin, portait une montre estimée à 60 000 euros et s’était acheté un bateau. Dans le cadre de la procédure, il a déclaré aux enquêteurs que le CO2, c’était la "Lady Gaga dans les affaires", soit un jackpot où les habitués des fraudes pouvaient facilement se jouer des failles du marché. Une nouvelle criminalité en col blanc.
ESCROQUERIE AU FISC EN ALLEMAGNE
Des fraudes et des affaires de corruption et d’escroquerie ont été découvertes dans plusieurs Etats européens. En décembre 2009, Interpol avait révélé que les fraudes à la TVA sur la bourse européenne du carbone avait causé 5 milliards d’euros de perte.
Lundi 15 août dernier, à Francfort en Allemagne, un procès "géant" s’est ouvert pour fraude fiscale autour du marché du CO2. Six chefs d’entreprise, dont des Français, Anglais et Allemands, sont accusés d’avoir escroqué le fisc allemand de plus de 230 millions d’euros avec l’aide de complices installés en Suisse, aux Emirats arabes unis et au Royaume-Uni La justice allemande va devoir examiner des milliers de transactions et quelque 600 dossiers. Plus de 300 témoins ont également été appelés à comparaître pour ce procès qui doit durer jusqu’en mars 2012.