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Enquête inachevée sur les véhicules diesel

samedi 30 juillet 2016, par Emmanuel HOURDEQUIN

Le rapport final de la commission Royal, rendu vendredi 29 juillet 2016 n’exclut pas que d’autres constructeurs recourent à des logiciels "tricheurs".

La ministre de l’Environnement Ségolène Royal a installé une commission pour tirer les leçons du scandale du dieselgate.

Dans son rapport final compilant les tests de 86 véhicules prélevés de manière aléatoire, et dont l’AFP a obtenu copie, cette commission indépendante a aussi noté de "nombreux dépassements" des seuils retenus, des éléments qui avaient déjà filtré lors de points d’étape. Mais la commission affirme que certains véhicules présentent des "écarts importants" en conditions d’homologation et appelle à de nouveaux tests "afin d’évaluer s’ils ne doivent pas faire l’objet d’un retrait de leur certificat d’homologation".

Les travaux, qui se sont appuyés sur des tests effectués par l’organisme UTAC-Ceram, visaient "à faire toute la transparence sur les pratiques de l’industrie automobile et à restaurer la confiance des consommateurs", selon Ségolène Royal, ministre de l’Environnement qui a installé la commission. Alors que Volkswagen a avoué en septembre 2015 avoir installé sur des véhicules diesel un logiciel de gestion moteur destiné à tromper les tests d’homologation en réduisant temporairement les émissions polluantes, les autres constructeurs se dont défendus d’avoir recours à ce dispositif prohibé par les réglementations européenne et américaine.

Mais les experts ont relevé dans leur rapport qu’« il n’a pas été possible d’avoir accès à l’ensemble des logiciels embarqués, et donc aucune analyse des logiciels n’a été effectuée ». Et même sans accès à ces programmes, les tests ont « décelé un nombre important d’anomalies », qu’il s’agisse des émissions de CO2 ou d’oxydes d’azote (NOx), vis-à-vis de seuils que la commission avait fixés.

Ségolène Royal a promis dans un communiqué d’aller « jusqu’au bout de l’application du rapport. C’est une question de confiance. Les constructeurs seront mis devant leur responsabilité car la pollution de l’air est un grave problème, on ne peut plus tergiverser ni plaisanter ». L’affaire Volkswagen a eu des effets sur l’industrie automobile tout entière, en mettant en lumière les écarts parfois très importants entre les normes d’émission lors des tests d’homologation et celles en conditions réelles d’utilisation. Décriées pour leur obsolescence, les normes européennes actuelles, dites NEDC, vont être remplacées à l’horizon 2017 par un nouveau protocole (WLTP), censé être plus pertinent.

Rapport retardé, investigations incomplètes : les travaux de la commission sur la réalité des émissions polluantes des véhicules diesel circulant en France, mise en place par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, sont vivement critiqués par des ONG.

Alors que les instances similaires britannique et allemande, créées à la suite du scandale Volkswagen – qui a reconnu avoir sciemment triché sur la réalité des émissions polluantes de ses véhicules –, ont déjà publié leur compte rendu, en avril, la présentation des conclusions de la commission Royal, initialement prévue en juin, remise une première fois au 22 juillet, a de nouveau été reportée au 31 juillet.

Les ONG France nature environnement (FNE) et Réseau action climat (RAC) craignent que le rapport sorte en toute discrétion dans la torpeur de l’été, sans que sa version finale puisse être relue par l’ensemble des membres de la commission dont elles font partie.

Dévoilées en avril, les analyses effectuées sur 52 premiers véhicules – 100 véhicules devaient être testés – ont montré que la majorité des modèles dépassaient les normes pour le CO2 et les oxydes d’azote. Ces dépassements, en conditions réelles de conduite, pouvaient atteindre pour certains véhicules de trois à dix fois les plafonds autorisés. Mais ces tests n’établissaient pas, précisait alors le ministère, l’existence de logiciels permettant la fraude tels que celui employé par Volkswagen.

« Lorsque l’on voit que même sur les tests classiques d’homologation, en laboratoire, il peut y avoir des écarts importants, jusqu’à 2,5 fois au-dessus de la norme – y compris pour des voitures de la toute dernière norme Euro 6 –, des investigations plus poussées sont nécessaires avant d’affirmer qu’il n’y a pas de logiciel truqueur, affirme Charlotte Lepitre, de FNE. D’autant que les explications données par les constructeurs sont restées très lacunaires. »

Un autre membre de la commission, Eric Horlait, directeur général délégué de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), un établissement public sous la tutelle des ministères de la recherche et de l’industrie, partage ce constat : « La commission a fait un travail intéressant, révélant que presque tous les véhicules dépassaient les normes et pour certains de façon très importante. Ce qui, en soi, pour les citoyens, est inquiétant. Mais elle n’a pas gratté jusqu’au bout. On ne peut conclure à l’absence de tricherie dans les logiciels car nous ne nous sommes pas donné les moyens de vérifier. »

« Nous ne savons pas comment les logiciels sont faits »

Le principe des tests élaborés par l’UTAC Ceram, l’organisme de certification français, a certes consisté à faire en sorte qu’un éventuel système de fraude, installé sur les moteurs, ne puisse pas détecter que les véhicules se trouvent en phase de tests en laboratoire, comme c’était le cas sur les modèles Volkswagen. Mais la commission – présidée par Mme Royal, elle est composée d’experts du ministère, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), d’organismes spécialisés dans l’environnement, d’ONG, d’associations de consommateurs et de parlementaires – n’a pas expertisé en tant que tels les logiciels qui équipaient les voitures testées.

« Il aurait pourtant été légitime d’engager une analyse des logiciels, d’autant que c’était la question qui était posée au départ et a suscité la mise en place de cette commission, comme d’ailleurs notre présence en son sein. L’objectif n’était-il pas de regarder si les véhicules comportaient ou non un système de leurre antipollution ? », interpelle Eric Horlait.

Selon cet expert, pour mettre à l’épreuve les logiciels des voitures, il aurait été « techniquement tout à fait possible » d’organiser des tests sur une flotte réelle de véhicules en circulation, en exploitant les données massives ainsi recueillies. Les véhicules modernes, de plus en plus connectés, sont équipés de dispositifs de mesure qui pourraient permettre de vérifier que le système antipollution fonctionne tout le temps. « Nous n’avons même pas eu accès au code source et à la documentation des logiciels, les constructeurs se montrant réticents à nous les fournir. Nous ne savons donc pas comment ils sont faits », ajoute Eric Horlait.

Interrogé par Le Monde, le constructeur français Renault assure, sans autres commentaires, avoir « pleinement coopéré avec la commission Royal ». Si Mercedes dit ne pas avoir été interrogé lors de son audition sur les logiciels, chez Ford on reconnaît qu’« à deux reprises, la question a été posée, des membres de la commission soulignant qu’il serait utile d’avoir ces informations. Ce à quoi nous avons répondu les tenir à la disposition de l’UTAC et de la DGCCRF. Mais la commission n’a pas réitéré sa demande et a confirmé l’absence avérée de logiciel truqueur dans les modèles Ford ».

L’entourage de Ségolène Royal souligne que la démarche de la commission « relevait plus d’une opération de transparence que d’une enquête “judiciaire” ».

« Il revenait aux constructeurs, lors de leur audition, de justifier les résultats observés sur leurs véhicules et de proposer un plan d’amélioration. La question du rôle joué par l’ordinateur de bord des voitures a toutefois été posée par des membres lors des discussions au sein de la commission et mériterait d’être approfondie », explique-t-on au ministère, tout en évoquant la possibilité de futurs travaux pour cette commission.

« Il y a une grave crise de confiance. Tous les citoyens réclament la transparence, insiste de son côté le sénateur (LR) des Alpes-Maritimes Louis Nègre, lui-même membre de la commission Royal. Dès lors, ces informations, comme le code source des logiciels qui relèvent du secret des affaires, devraient être mises à la disposition d’instances habilitées à en juger en toute confidentialité, de façon à rassurer les citoyens et à permettre aux constructeurs de retrouver leur crédibilité. »

En savoir plus sur

http://www.lemonde.fr/pollution/article/2016/07/29/enquete-inachevee-sur-les-vehicules-diesel_4976199_1652666.html

http://www.lepoint.fr/automobile/securite/diesel-la-commission-royal-suspecte-d-autres-tricheurs-29-07-2016-2057975_657.php

http://www.lejdd.fr/Economie/Dieselgate-la-commission-Royal-evoque-l-implication-de-plusieurs-constructeurs-799870

http://lemurdesinsoumis.fr/2016/07/31/diesel-on-cacher-catastrophe/

http://lemurdesinsoumis.fr/2016/08/01/diesel-commission-royal-planer-doute-constructeurs/

http://www.developpement-durable.gouv.fr/Segolene-Royal-rend-publics-comme.html

http://www.capital.fr/bourse/actualites/diesel-8-constructeurs-incrimines-par-les-tests-de-la-commission-royal-1123306

http://www.largus.fr/actualite-automobile/pollution-diesel-les-mauvais-eleves-des-tests-de-la-commission-royal-7869389.html

http://automobile.challenges.fr/actu-auto/20160429.LQA8146/commission-royal-de-nombreux-vehicules-depassent-les-normes.html

http://www.lemonde.fr/pollution/article/2016/02/11/commission-royal-sur-le-diesel-premiers-resultats-tres-alarmants-selon-les-ong_4863891_1652666.html

http://www.metronews.fr/info/pour-macron-le-diesel-doit-rester-au-cur-de-la-politique-industrielle-francaise/mphe !w6LC3FtHZnsE/

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