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Les ondes gravitationnelles enfin détectées

jeudi 11 février 2016, par Emmanuel HOURDEQUIN

Pour la première fois, des ondes gravitationnelles ont été détectées sur Terre, confirmant une prédiction d’Albert Einstein vieille d’un siècle.

Ces ondes compriment et dilatent à la vitesse de la lumière l’espace-temps qui nous entoure, comme le son le fait avec l’air. L’espace-temps, c’est-à-dire la trame même du monde dans lequel nous vivons, est donc un contenant élastique, susceptible d’onduler à la manière des rides à la surface d’une eau perturbée par le lancer d’un caillou.

La détection de ces ondes est détaillée dans la revue Physical Review Letters du 11 février 2016 par l’équipe de l’instrument LIGO, aux Etats-Unis, en collaboration avec celles de Virgo, détecteur essentiellement franco-italien et construit près de Pise, et de GEO600, en Allemagne. C’est le début d’une nouvelle ère, celle de l’astronomie des ondes gravitationnelles devenue désormais une réalité. Les chercheurs ont repéré l’infime effet du passage d’une telle onde, qui a la capacité de distordre les distances, de les allonger ou de les réduire très légèrement. Aucune autre onde ne peut le faire. L’effet est faible, de l’ordre d’une variation du dix millième de la taille d’une particule élémentaire (environ 10-19 m). Autrement dit, comme si l’étoile la plus proche, Proxima du Centaure, située à plus de quatre années-lumière de la Terre, se rapprochait de nous d’un demi-diamètre de cheveu…

Pour mesurer une si minuscule distance, les chercheurs ont construit depuis vingt ans des instruments de mesure géants. LIGO, un détecteur interférométrique, est ainsi fait de deux tunnels perpendiculaires de quatre kilomètres de long chacun. A l’intérieur, deux faisceaux laser, parfaitement synchronisés entre eux, effectuent des dizaines d’allers-retours entre des miroirs. Puis, ces deux rayons sont recombinés à la sortie afin de vérifier leur synchronisation. Si une onde gravitationnelle secoue l’espace-temps et se propage jusque-là, elle étire un trajet lumineux avant l’autre, désynchronisant les lasers.

C’est ce qui s’est passé le 14 septembre 2015 à 11 h 51 (heure française) sur les deux sites américains jumeaux construits en Louisiane et dans l’Etat de Washington à 3 000 kilomètres de distance. Les détecteurs ont perçu le même signal avec 7 millisecondes de décalage.

Après des semaines de vérifications, écartant toute erreur, la confirmation est arrivée le 11 février 2016.

Le signal enregistré par les chercheurs précise, en outre, l’origine de cette secousse, apportant une seconde découverte majeure. Il s’agit de la fusion de deux trous noirs en un nouveau, deux fois plus gros. Le duo est, respectivement, vingt-neuf et trente-six fois plus massif que le Soleil, et situé à plus d’un milliard d’années-lumière de la Terre.

Lorsque les deux trous noirs se rapprochent, des ondes gravitationnelles sont créées. Puis, quand ils fusionnent, l’objet patatoïde qui en résulte n’adopte pas immédiatement une forme stable. Il vibre, telle une cloche, et fait trembler le continuum espace-temps d’une manière différente de la la précédente.

Seuls des événements impliquant de gros objets en mouvement peuvent faire osciller l’espace-temps. Comme des étoiles explosant en supernova ; ou des étoiles mourant et se contractant en trou noir ou en étoiles à neutrons, appelées également « pulsars », qui condensent l’équivalent de la masse du Soleil sur seulement dix kilomètres de rayon ; ou encore l’origine violente de l’Univers au moment du Big Bang, il y a plus de treize milliards d’années.

Cette première découverte ouvre donc une nouvelle fenêtre astronomique sur ces phénomènes, en élargissant le spectre des moyens d’observation après la lumière visible, les rayons X, infrarouges, ultraviolets, les ondes radio ou même les neutrinos (des particules quasiment sans masse qui interagissent peu avec la matière).

Pour la suite, Virgo fait actuellement peau neuve pour être aussi précis que son collègue américain et reprendre du service avant la fin 2016. Son couplage avec LIGO permettra une localisation précise des sources dans le ciel. Les Japonais achèvent Kagra ; les Indiens comptent sur LIGO India. Et les chercheurs voient encore plus loin. Les instruments terrestres sont en effet limités à l’observation d’objets peu massifs et proches, toutes proportions gardées.

La suite consistera à installer en orbite eLISA, une sorte de triangle de faisceaux laser dont les « bras » d’un million de kilomètres de long bougeraient sous l’effet d’ondes gravitationnelles. Lancement prévu dans les années 2030. L’Agence spatiale européenne a mis sur orbite, le 3 décembre 2015, LISA Pathfinder, un satellite destiné à tester des technologies nécessaires à eLISA.

Cette détection d’ondes gravitationnelles, aussi compliquée soit-elle, n’est pas une surprise. La relativité générale publiée fin 1915 début 1916, il y a 100 ans, est fiable et éprouvée depuis de nombreuses années : la plupart des phénomènes étranges prévus par cette théorie ont déjà été observés. Par exemple, les gros objets dévient les rayons lumineux, ce qui décale effectivement la position des étoiles dans le ciel. Ou bien une horloge bat plus vite le tempo en altitude qu’en surface (une information essentielle pour corriger les signaux GPS).

Quant aux ondes gravitationnelles elles-mêmes, leur présence avait été repérée en 1978 et saluées par un prix Nobel en 1993 : la rotation de deux pulsars détectés en 1974 et se tournant autour s’accélérait à cause de l’émission d’ondes gravitationnelles entre les deux objets. En revanche, jamais ces ondes n’avaient été ressenties sur Terre.

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