Physique Chimie Hourdequin
Accueil du site > Actualité > Transition énergétique > Ségolène Royal cède au lobbie des transporteurs routiers : les pollueurs ne (...)

Ségolène Royal cède au lobbie des transporteurs routiers : les pollueurs ne seront pas les payeurs et les Français pollués devront payer les pots cassés

jeudi 9 octobre 2014, par Emmanuel HOURDEQUIN

La ministre de l’Ecologie a annoncé jeudi dans un communiqué que l’écotaxe poids lourds est reportée « sine die ».

En mai dernier, Ségolène Royal avait tiré ses premières salves contre l’écotaxe : « Le mot même d’"écotaxe" est pour moi condamné. L’écologie ne doit pas être punitive, et surtout pas synonyme d’un nouvel impôt. Dire aux Français "Vous êtes de vilains pollueurs, vous recevrez des coups de bâton si vous continuez" n’est pas une méthode. En tout cas, ce ne sera pas la mienne », expliquait-elle à propos de la mesure votée par la majorité précédente et dont Jean-Marc Ayrault avait interrompu l’application en octobre 2013, cédant devant la mobilisation des opposants au projet, en tête desquels les fameux « bonnets rouges » (ou bonnets d’ânes).

Pourtant, l’écotaxe, lors de sa conception, avait fait l’objet d’un certain consensus. Elle ne touchait pas les Français dans leur ensemble, mais une certaine catégorie de professionnels du transport.

La taxe devait apporter 500 millions d’euros aux caisses de l’Etat, notamment afin de financer des infrastructures. Ségolène Royal avait indiqué travailler sur deux pistes pour compenser la suspension de l’écotaxe : un péage de transit aux frontières pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes ou une participation financière des sociétés françaises d’autoroutes.

En reportant encore une fois l’application de la taxe, Ségolène Royal répond à un ultimatum lancé par les transporteurs routiers. Ils promettaient des manifestations sur la voie publique lundi prochain, si le gouvernement ne retirait pas son projet.

L’écotaxe existe depuis 2005 en Allemagne, sans poser aucun problème ni aux entreprises, ni aux transporteurs… De 0,14€ à 0,28€ par kilomètre, la « LKW Maut » n’a pas asphyxié le transport routier, bien au contraire. L’autoroute A5 qui traverse le Baden-Würtemberg est élargie à deux fois trois voies, grâce aux recettes de cette écotaxe. En 2012, elle a rapporté à l’État allemand plus de 4,4 milliards d’euros.

Environ la moitié de cet argent est directement réinvesti dans les infrastructures routières, via l’agence fédérale de financement VIFG (Verkehrs Infrastruktur Finanzierungs Gesellschaft). Un afflux de capitaux qui a notamment permis dans le land voisin du Bade-Wurtemberg d’élargir l’A5 de 4 à 6 voies, un chantier colossal mené depuis trois ans par Vinci. Le bétonneur français peut dire merci aux routiers allemands… L’autre moitié du produit des redevances est investi dans le développement des infrastructures ferroviaires (35%) et dans le transport fluvial (15%). Pour les écologistes, cette taxe au kilomètre a tout bon, puisqu’elle pénalise le transport routier et favorise en retour les transports doux.

Lorsque la taxe a été votée par le Bundestag en avril 2002, elle a surtout été présentée comme un moyen de faire payer les routiers étrangers, qui empruntaient jusqu’alors gratuitement le réseau autoroutier allemand. Du coup, le pays n’a pas vu ses routes se hérisser de barrages aux pneus enflammés. Les transporteurs routiers ont bien protesté mais ils se sont vite ravisés devant l’ampleur des aménagements routiers réalisés.

Comme pour le projet d’écotaxe en France, c’est une société semi-privée (dont le français Cofiroute détient 10%), Toll-Collect, qui est chargée de maintenir les installations de mesure et de collecter les péages. Les transporteurs s’acquittent d’un abonnement payé à l’avance ou au passage. Le contrôle des camions est effectué au moyen d’un dispositif d’identification installé dans les véhicules, appelé On-Board Unit (OBU) et que les quelque 300 portiques disséminés sur tout le territoire détectent automatiquement. Toll-Collect est rémunéré 600 millions d’euros chaque année pour la maintenance du système et la perception de la taxe.

Contrairement aux craintes exprimées par les transporteurs, l’instauration de la LKW-Maut, dont les taux ont été relevés plusieurs fois, n’a pas eu d’effet sensible sur le volume du transport routier. Et sa part modale est restée aux alentours de 65% (contre plus de 80% en France). En revanche, une partie du trafic s’est reporté sur le réseau secondaire et sur les régions périphériques, comme en Alsace où l’A35 accueille 2 000 camions supplémentaires par jour depuis 2005.

Point positif : la modulation du prix en fonction de la taille du véhicule a modifié le parc de poids lourds circulant en Allemagne. Le pourcentage de poids lourds de type Euro 5, les moins polluants, est passé de 1% en 2005 à 49% en 2009. À l’inverse, le pourcentage de poids lourds Euro 2, plus polluants, est passé de 30% à 4% durant la même période.

A la suite de ce succès fiscal, la coalition au gouvernement allemand envisage désormais d’abaisser le seuil de la LKW-Maut aux poids lourds de plus de 3,5 tonnes et d’en étendre le périmètre d’application. Et toujours dans l’objectif de faire payer les étrangers, il est question d’instaurer une vignette pour les voitures circulant sur les autoroutes, comme en Suisse.

Du coup, les élus alsaciens craignent un nouveau report sur l’autoroute A35 et vivent mal le recul du gouvernement français sur l’écotaxe, et ce d’autant que l’Alsace a bien failli être une région pilote. Pour Philippe Richert, président (UMP) du conseil régional d’Alsace :

« L’écotaxe rétablit un équilibre entre les transporteurs et les contribuables. Les collectivités n’ont pas les moyens de compenser la dégradation des infrastructures causée par les poids lourds. C’est donc tout à fait normalement aux transporteurs de payer. Quand on voit l’ampleur des travaux outre-Rhin, et quand on pense qu’il va nous falloir quatre ans pour boucler le financement de la rocade de Sélestat, on a l’impression d’être des apprentis-nains en France. »

Quant à la Suisse, qui a mis en place une taxe au kilomètre similaire en 2001 (appelée RPLP), elle a pu financer avec l’apport de ces redevances deux nouveaux tunnels ferroviaires, ceux du Gothard et du Lötchberg. La France s’attendait à recevoir un milliard de recettes annuelles avec l’écotaxe.

Faire payer les pollueurs, ce n’est pas de l’écologie punitive, ce n’est même pas de l’écologie ni une punition, ce n’est qu’une question de morale et de justice pure et simple sans plus.

Il ne faut pas oublier que la pollution crée des externalités négatives à la charge de la collectivité : soin des cancers, chômage dû à la délocalisation de nos industrie du fait que coût du transport est négligeable (on fait abattre nos porcs bretons en Roumanie et on ferme nos abattoirs bretons), entretien de nos infrastructures qui se dégradent, etc.

Ne pas taxer les pollueurs, cela revient à subventionner la pollution avec de l’argent public donc cela revient à taxer les pollués selon le principe pollué-payeur. En plus on attire les pollueurs étrangers à venir polluer chez nous puisqu’on peut polluer gratis (ou plus exactement sur le dos du contribuable Français).

Ce n’est pas nouveau puisque ce dernier a toujours subventionné la pollution avec le diesel moins taxé que l’essence alors que les particules fines sont cancérogène certain, le kérosène détaxé qui produit le low coast donc la pollution et le chômage (car un billet Nantes-Marseille se vend moins cher en avion low-coast qu’en train alors que ça pollue 50 fois plus). La France attire tous les déchets nucléaires du monde entier. Elle attire aussi tous les camions étrangers qui ne passent ni par l’Autriche, ni par la Suisse ni par l’Allemagne puisque dans ces pays, contrairement à la France, il faut payer la pollution.

Or, polluer est criminel car la pollution est un poison. C’est un poison pour notre santé, pour notre économie, pour nos emplois, pour notre climat, pour la biodiversité, pour nos enfants et pour le porte-monnaie des contribuables. Car à la fin c’est toujours la collectivité qui paye, dans tous les sens du terme. Ce poison est une drogue addictive qui nous détruit à coup sûr puisqu’on ne peut pas s’en débarrasser.

C’est un très mauvais signal qui est envoyé, surtout en ce moment où a lieu le débat à l’assemblée Nationale du texte de loi de Ségolène Royal sur la transition énergétique.

Comment pourra-t’on financer la transition énergétique si on ne prend pas de l’argent quelque part, et particulièrement aux pollueurs pour qu’ils arrêtent de polluer car c’est criminel et ça coûte beaucoup trop cher à la collectivité. La réussite d’une telle transition ne peut reposer que sur une fiscalité intelligente qui pénalise ceux qui polluent le plus au profit de ceux qui polluent le moins. Il n’y a rien de punitif, ce n’est qu’un mécanisme salvateur pour sortir du marasme énergétique, écologique, économique et moral dans lequel on est plongés depuis 1974 soit 40 ans.

La croissance repose sur l’énergie. L’énergie est exclusivement sale (pétrole, charbon, gaz naturel, uranium, etc.). Donc la croissance est exclusivement sale. Une croissance sale coûte à la collectivité infiniment plus qu’elle ne rapporte à une minorité qui s’en met plein les poches et plein les paradis fiscaux pour se soustraire à ses responsabilités vis à vis de la collectivité (impôts) et de ses propres enfants car c’est une vision court-termiste qui revient à couper la branche sur laquelle on est assis, sans issue pour quiconque, pollueur comme pollué.

Le coût de l’inaction est colossal : 8000 milliards de dollars le coût de l’inaction dans le monde contre le réchauffement climatique depuis 2012, pareil pour Fukushima et Tchernobyl et tous les déchets nucléaires éparpillés dans le monde entier et pareil pour l’épidémie de cancers de la pollution de l’eau, des aliments, de la terre et de l’air (pesticides, plastique, perturbateurs endocriniens, particules fines, oxydes d’azote et de soufre) et pareil pour la perte de la biodiversité.

On ne change rien parce qu’il y a conflit d’intérêts au plus haut sommet des états, des unions d’état et des organisations mondiales comme l’OMS entre, d’une part, les intérêts privés d’un tout petit nombre et, d’autre part, l’intérêt général de la collectivité de la planète toute entière et des générations futures. Et qui est-ce qui gagne ? C’est l’intérêt privé d’un tout petit nombre parce que ce tout petit nombre est très riche et que ça lui donne le pouvoir.

L’intérêt général est sacrifié sur l’autel du Dieu Argent (alors que l’argent devrait être un outil au service de la collectivité présente et future).

C’est pitoyable et très dangereux pour notre démocratie, à cause du dépit engendré par l’impuissance de nos dirigeants politiques à défendre les intérêts de ceux qui les ont élus et qui risquent, sous le coup de la colère, de faire des bêtises et de le regretter ensuite, mais ce sera trop tard...

Réagissons ! Ne nous laissons plus faire ! Prouvons que nous ne sommes ni des pigeons ni des moutons ou encore des pigetons comme le dit si bien Jean-Pierre Petit, le célèbre chercheur scientifique et dessinateur des Aventures d’Anselme Lanturlu, superbes BD de vulgarisation scientifique que je vous conseille. Défendons notre santé et celle de nos enfants, par conséquent la qualité de notre air, de notre eau, de notre nourriture de notre biodiversité de notre climat parce que nous y avons droit et que c’est notre devoir de les défendre en faisant payer les pollueurs car polluer est criminel, ce n’est pas plus compliqué que cela.

Emmanuel HOURDEQUIN Docteur en Physique, professeur de Sciences Physiques

http://www.lcp.fr/emissions/ca-vous-regarde-le-debat/vod/163487-ecotaxe-segolene-royal-cede-face-aux-lobbies

http://www.rue89strasbourg.com/index.php/2013/10/31/societe/ecotaxe-allemagne-4-milliards-euros/

http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/10/09/le-gouvernement-suspend-la-mise-en-place-de-l-ecotaxe_4503555_3234.html

http://www.lefigaro.fr/social/2014/10/07/09010-20141007ARTFIG00072-ecotaxe-l-utlimatum-des-transporeurs-routiers-au-gouvernement.php

http://www.francebleu.fr/infos/ecotaxe/noel-mamere-sur-l’ecotaxe-le-gouvernement-capitule-devant-les-lobbys-1839468

http://www.ouest-france.fr/ecotaxe-suspendu-les-salaries-decomouv-abasourdis-et-degoutes-2888521

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0